À cinq kilomètres au sud-ouest de la municipalité de Saint-Michel-des-Saints (SMDS), située dans la MRC de la Matawinie dans Lanaudière, en la province de Québec, l’entreprise canadienne Nouveau Monde Graphite (NMG) prétend développer la plus grande mine à ciel ouvert de graphite du continent, au sein même de milieux récréotouristiques hautement valorisés. Un précédent en zone touristique. Le projet de mine de Nouveau Monde Graphite est une mine à ciel ouvert avec une immense fosse de 2.7 km de longueur, 430 de largeur et 240 m de profondeur. Ce projet entraînera 100 millions de tonnes de déchets miniers (une partie acidogène) déposés sur le territoire à perpétuité, une pollution de l’air, une perte de la biodiversité de par la déforestation, le bruit continu, le dynamitage, les poussières. Il engendrera aussi une augmentation notable des GES. À souligner, la Haute-Matawinie est un territoire de forêts, de lacs, de tourbières, de rivières. Avec des ressources probables estimées à 59.8 millions de tonnes, le projet prétend produire annuellement 100 mille tonnes de concentré de graphite, destiné à 60% à l’approvisionnement du marché de batterie des véhicules électriques. La construction de la mine prévoit de débuter en 2021 afin d’initier l’exploitation commerciale en 2023 [1] [2] [3] [4]. Le graphite est, avec le diamant, l'une des formes cristallines du carbone. Ces propriétés physiques de conductivité thermique et électrique en font aujourd’hui l’un des minéraux les plus convoités dans le contexte de transition énergétique, pour son utilisation dans la fabrication de batterie électrique. Selon des estimations de la Banque Mondiale, le graphite représentera 53.8% de la demande de minéraux par la fabrication de batteries à l’échelle mondiale jusqu’en 2050 [5]. La quantité de graphite nécessaire jusqu’en 2050 est estimée à 68 millions de tonnes, soit une production annuelle de 4.5 millions de tonnes, ce que signifierait multiplié par 4 la production actuelle (1.1 millions de tonnes en 2020) [5] [6]. Plus de la moitié de la production actuelle de graphite est assurée par la Chine (60%) suivi du Mozambique (11%) et du Brésil (8.6%). Son importance géostratégique pousse actuellement les gouvernements européens et nord-américains (Etats-Unis et Canada) à chercher à développer leurs propres projets miniers pour réduire leur dépendance vis-à-vis de la Chine dans l’approvisionnement de ces minéraux jugés « critiques ». La loi sur les mines du Québec est désuète et doit être réformée. Le 20 octobre 2020, plusieurs organismes de divers horizons et élus ont dénoncé le manque de mesures de protection environnementale dans le nouveau Plan gouvernemental sur les minéraux critiques annoncé le jour même [26]. La population locale, et diverses organisations environnementales, ont depuis l’annonce du projet montré leur opposition en raison des multiples impacts socio environnementaux qu’il pourrait générer. La teneur en graphite du gisement étant estimée à un peu plus de 4%, pour produire 100 mille tonnes de concentré de graphite par an, la mine devra extraire annuellement presque 2.3 millions de tonnes de matériaux. L’entreprise prétend traiter sur place ses déchets miniers selon une méthode de co-disposition (afin de séparer les minéraux acidogènes comme la pyrite et la pyrrhotite du reste des matériaux) [5] [6]. Cette solution, non éprouvée à l’heure actuelle, est néanmoins critiquée en raison de son caractère expérimental et de la possible contamination des eaux souterraines qu'elle pourrait provoquer (acidification des eaux souterraines et de surface et possible contamination en métaux lourds). Les résidus acidogènes encapsulés conservent leur potentiel polluant à perpétuité, ce qui génèrent un risque de contamination sur plusieurs siècles en cas d’accident, d’érosion ou de non entretiens du site de déposition après la fin de l’activité minière. Cette possible contamination des eaux de surface et souterraines, outre plusieurs lacs avoisinant le site d’exploitation, affecterait grandement le Lac Taureau, situé à moins de 10 km en aval du projet minier, un parc naturel régional et l’un des sites de villégiature les plus importants à proximité de Montréal. Cela à généré la mobilisation de l'Association pour la protection du lac Taureau qui a publié de nombreux bulletins pour informer la population locale sur les impacts de ce projet [8] [9] [10] et les contradictions de son promoteur [11]. La Coalition des opposants à un projet minier en Haute-Matawinie (COPH), créée en 2016 (www.lacoph.com) et regroupant plusieurs citoyens de la municipalité en 2016,a sensibilisé les citoyens (rencontres publiques avec experts indépendants), a talonné les élus municipaux, a dénoncé publiquement les multiples impacts environnementaux liés à ce projet, impacts qui auraient aussi des conséquences socio-économiques pouvant générer des incidences sur la santé de la population locale et dévaloriser la vocation récréo-touristique de la région [3] [12]. L’autre grave problème lié à ce projet est le fait que le site prévu pour la mine se situe dans le Nitaskinan, territoire ancestral de la première nation Atikamekw [13] [14]. Le peuple Atikamekw souffre depuis des années de l’exploitation des ressources naturelles de son territoire par des acteurs privés de l’industrie forestière, hydroélectrique ou de la chasse ou de la pêche sans que cela ne génère de réels bénéfices économiques pour la communauté [15] [16]. Face à ces problèmes et à l’impasse des négociations avec le gouvernement canadien, en 2014, la nation Atikamekw déclara unilatéralement sa souveraineté sur le Nitaskinan, réaffirmant ses droits ancestraux sur ce territoire et exigeant son consentement pour tout développement, usage et exploitation des ressources qui s'y trouvent [17]. À cet effet, le Conseil des Atikamekw de Manawan a dénoncé fermement l’octroi du décret gouvernemental donné à NMG, alors qu’il y a toujours absence d’acceptabilité sociale au sein de la communauté. L’annonce de l’octroi du décret est un pas en arrière dans la réconciliation [19]. Aux affirmations de l’entreprise qui se targue d’avoir un taux d’acceptabilité social du projet minier de 82% de la communauté [18], le projet divise plutôt la communauté. À cet égard, le rapport du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) a souligné que « dans la méthodologie d’échantillonnage utilisée dans les deux sondages commandités par NMG, cette dernière avait sous-estimé la population de villégiateurs qui, au sens de l’étude d’impact du projet minier Matawinie, constitue une partie prenante importante. L’échantillon comportait 5 % de villégiateurs, alors qu’ils constituent environ 50 % de la population résidant sur le territoire de la municipalité de SMDS » [20]. Dans son rapport rendu public en juin 2020, le BAPE du Québec a conclu que le projet minier de Nouveau Monde suscitait "des enjeux d’acceptabilité sociale encore importants" et a recommandé pas moins d’une demi-douzaine d’études additionnelles «avant que le projet ne puisse être autorisé” Ces études complémentaires concernent par exemple: - Une mise à jour de l’étude hydrogéologique confirmant, à partir de résultats probants des cellules expérimentales validant les diverses caractérisations géochimiques, que la méthode de gestion des rejets miniers, dite de co-disposition, est efficace et n’aurait pas d’effets nocifs sur la qualité des eaux souterraines, et ce, à perpétuité. Cette mise à jour devrait également considérer un cas sans géomembrane, simulant ainsi sa dégradation au-delà d’une centaine d’années (rapport du BAPE – Page 101) [20] [21]. - Mine 100% électrique : l’inclusion d’un scénario plus réaliste, c’est-à-dire sans véhicules lourds électriques, même s’il est moins attrayant d’un point de vue des GES, pour s’assurer que le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) puisse évaluer les impacts des véhicules diesel sur l’environnement. (page 71). [20] [21] - Le bruit en période d’exploitation: NMG devrait effectuer une évaluation des répercussions potentielles de l’utilisation de véhicules au diesel sur le climat sonore afin de s’assurer que, pour les années où les activités minières seraient les plus rapprochées des secteurs habités, les normes et les critères applicables soient respectés. (page 131) [20] [21]. Cependant, en février 2021, le gouvernement du Québec publia un décret autorisant le projet de NMG sans que l’entreprise n’ait fourni toutes les études additionnelles pour pouvoir autoriser le projet. Cette décision du gouvernement du Québec gênera la colère et la consternation des organisations mobilisées et montre les doubles discours et les incohérences existantes entre les différentes institutions gouvernementales, comme le dénonça May Dagher de la COPH : "Cette décision est d’autant plus consternante que le ministre de l’économie, M. Fitzigibbon, nous avais promis dans le blanc des yeux que Québec suivrait tous les avis du BAPE avant d’autoriser un tel projet" [23]. Aussi, en réponse à cette décision, un blocage temporaire d’une route à été mis en place par Mobilisation Matawinie Ekoni Aci [24] En conclusion, le projet dans sa forme actuelle n’est pas vert, n’est pas durable et n’est pas carboneutre. D’un côté, NMG prône le rêve (énergie propre, minéraux responsables) et développe une ample campagne médiatique destiné à convaincre l’opinion publique qu’ils ont la solution face aux problème de la pénurie de matériaux critiques nécessaires à la transition énergétique "Nous avons du graphite, des tonnes de graphite, des millions de tonnes de graphite" et à promouvoir leur activité via des slogans de greenwashing "nous sommes verts, nous sommes enthousiastes et nous sommes prêts" [27]. Et de l’autre côté, le constat d’une réalité bien moins reluisante: déchets miniers, impacts sociaux, greenwashing. La COPH à par exemple réalisé une vidéo pour contrer la campagne mensongère de NMG en abordant le concept de destruction durable lié à ce projet minier [28]. Oui à l'électrification des transports mais pas à n’importe quel prix, des solutions existent. Exemple: “Des mines aux véhicules électriques: 3 conditions pour que l’électrification ait meilleure mine [25]”. Le gouvernement doit avoir le courage de réformer certaines lois. (See less) |